« Dépression, couple et sexualité »

Posted on 20 mars 2018

Découvrez la publication réalisée par le Docteur Sportich dans LA LETTRE DU PSYCHIATRE SUPPLÉMENT AU N° 4 VOL. 1. (NOVEMBRE 2005). E. SPORTICH

Monsieur Z. qui est un patient âgé de 44 ans, qui vient à la demande de son médecin généraliste, pour la prise en charge d’une décompensation anxio-dépressive majeure d’intensité sévère. Le généraliste précise : « état dépressif réactionnel à des problèmes de séparation familiale ».

L’épisode dépressif a débuté six mois auparavant suite à un nouveau conflit au sein du couple. Monsieur Z. est séparé de sa compagne depuis trois mois. Il est père de quatre enfants : un garçon de 23 ans, deux filles de 14 et 12 ans et un garçon de 6 ans. Ce patient exerce la profession de mécanicien sur un chantier naval.

Il ne présente pas de d’antécédents ni médicaux ni chirurgicaux particuliers, pas de notions d’allergie. Au niveau des antécédents familiaux sa mère a été traitée et suivie pour état dépressif. Comme antécédent personnel, on note en 1994 un premier épisode dépressif, suite déjà, à un conflit familial, avec à l’époque un suivi en ambulatoire par un psychothérapeute, sans traitement. Concernant ce premier épisode Monsieur Z. est peu loquace : il en site le déclenchement comme faisant suite à un problème de couple, sans précision. A l’époque, il s‘est senti triste, avec la présence d’idées noires. Incapable de poursuivre son activité professionnelle, il s’est retrouvé en arrêt de travail pendant trois mois. Il a été pris en charge par un psychothérapeute, avec résolution lente de l’épisode (durée approximative de huit mois).

La présentation de Monsieur Z. est correcte, le faciès est triste. Le patient semble très replié sur lui-même, et paraît malheureux. On perçoit également des signes d’irritabilité, avec une difficulté pour rester assis, des mouvements au niveau des mains et des clonies au niveau des paupières. Il rapporte des difficultés pour s’alimenter avec une perte de poids de trois kilos.

À l’interrogatoire, le patient se décrit comme triste tout le temps, avec la présence constante d’idées noires. Des pensées fugaces d’autolyse sont relevées et l’envahissent depuis quelques semaines. On note également des difficultés au niveau de la réduction du temps de sommeil. Le patient me dit s’endormir assez tard, sur le coup de minuit, une heure du matin, en ayant du mal à trouver le sommeil. Son réveil semble de mauvaise qualité, avec plusieurs réveils nocturnes. Il éprouve aussi des difficultés au niveau de la concentration au niveau mnésique avec des troubles du rappel et de la mémoire de fixation, ainsi que des difficultés à ressentir. Sur le plan de l’anxiété, la recherche de signes anxieux retrouve un sentiment de tension avec évocation de fatigabilité et de difficultés pour se détendre. Le patient me dit être actuellement incapable de poursuivre son activité professionnelle, qui lui demande un effort physique. On retrouve des douleurs musculaires importantes, avec des douleurs lombaires marquées évoquant un tableau lombalgique.

Lorsque l’entretien aborde la sexualité, le patient gêné par la situation, évoque des troubles de la fonction érectile, avec, apparue quelques mois avant la séparation, une baisse sensible de la libido. Il me dit ressentir une perte complète d’envie. Je cite : « Même quand je croise une fille dans la rue, ça ne me fait aucun effet». En l’interrogeant, on note effectivement une absence de désir sexuel, avec perte complète d’érection matinale. Cette perte d’érection semble s’être installée depuis environ dix mois. En insistant, le patient reconnaît que ces problèmes-là ont effectivement occasionné des difficultés avec sa compagne au niveau de l’entente et de la relation de couple. En effet, il évoque le même type de problème lors du premier épisode dépressif en 1994, avec déjà des problèmes d’érection survenus de manière concomitante avec le tableau dépressif. Devant ce tableau, un diagnostic d’épisode dépressif majeur d’intensité sévère avec troubles anxieux associés est posé.

Je propose au patient de commencer un traitement par IRS, associé à un anxiolytique pendant une semaine, et d’arrêter rapidement ce dernier traitement après sédation des signes. Une prise en charge psycho-thérapeutique de soutien est également proposée, après une réévaluation de la symptomatologie une semaine plus tard.
Quatre semaines après le début du traitement, je revois Monsieur Z. ; on note une amélioration symptomatologique, avec une diminution à la fois de la symptomatologie anxieuse et de la symptomatologie dépressive. Sur le plan de l’anxiété, on note la disparition des douleurs perçues au niveau du dos, une amélioration franche quant à la tension nerveuse, et, sur le plan dépressif, la disparition des idées noires.

On aborde la libido. Monsieur Z. évoque une amélioration significative du désir sexuel, avec la réapparition d’érections matinales. Ce progrès s’accompagne d’une modification au niveau de sa sexualité. Il note en effet des difficultés au niveau de l’éjaculation qui semble retardée, et, d’après lui, une fois sur deux l’absence complète d’éjaculation. Le patient évoque spontanément cela lors de l’entretien et semble gêné par cette situation. Le traitement est maintenu à la même posologie.

Le patient est revenu quinze jours plus tard. Sur le plan symptomatologie anxieuse, il existe une disparition quasi-totale de tout signe anxieux. On note cependant quelques tremblements persistants au niveau des mains. Sur le plan de la symptomatologie dépressive, on relève une absence d’humeur triste, un regain d’élan vital et d’énergie. Cette amélioration significative de la symptomatologie dépressive s’accompagne depuis quelques jours d’une reprise effective de son activité professionnelle, sans difficultés particulières.

Sur le plan de la libido, pas de changement. Le patiente est content d’avoir retrouvé une sexualité, avec une reprise du désir claire, mais il constate toujours une éjaculation absente ou inconstante, qui continue à rendre sa sexualité problématique.

Nous poursuivons le suivi de Monsieur Z. Après plusieurs mois de traitement, devant une amélioration significative du tableau clinique et le recul suffisant, une diminution de la posologie de l’antidépresseur est programmée, avec une posologie à 10 mg par jour. La symptomatologie anxieuse reste absente, la symptomatologie dépressive également. Sur le plan de la sexualité ; il est quand même noté une évolution significative, avec la reprise de l’éjaculation chez ce patient.

Nous avons donc un patient qui présentait au départ tous les signes cliniques d’un état dépressif majeur d’intensité sévère avec signes anxieux associés et problème de libido. Nous constatons que, lors de cet épisode dépressif majeur, il existe une diminution significative sexuelle chez ce patient avec une diminution du désir sexuel et des problèmes de dysfonction érectile. Nous constatons également que la mise en place d’un traitement antidépresseur permet, bien entendu, une amélioration significative des signes dépressifs, y compris des signes afférents au désir sexuel. Le patient a retrouvé une activité sexuelle quasi normale avec la reprise du désir et de l’envie, une disparition des signes cliniques de dysfonction érectile, semble-t-il en rapport avec l’amélioration significative de la symptomatologie anxieuse. On note un retard d’éjaculation conservé mais partiel.